Des bénéfices pour l’humanité

Crédit : NASA

La question est souvent posée : à quoi sert la Station spatiale internationale ? Les réponses sont nombreuses, comme en témoigne notamment un épais rapport de la NASA.

Un rapport de référence

Depuis vingt ans, la NASA met régulièrement à jour un rapport intitulé « International Space Station Benefits for Humanity » (Bénéfices pour l’humanité de la Station spatiale internationale), auquel contribuent les agences canadienne, européenne, italienne et russe.

Y sont recensées les différentes retombées des travaux menés à bord de l’ISS en termes d’ingénierie, de coopération internationale, de recherche scientifique et de retombées économiques.

La première édition du rapport, publiée en 2012, faisait 89 pages.

La première mise à jour, en 2014, était passée à 154 pages.

L’édition suivante, de 2018, était encore plus complète, avec 236 pages.

La dernière édition en date, parue en juillet dernier, fait 135 pages.

Un laboratoire sans gravité

Pour mémoire, l’ISS est un montage complexe d’une quinzaine de modules pressurisés, construits par la quinzaine de pays coopérants et envoyés en orbite entre 1998 et 2021.

Après une première décennie consacrée à construire la station, les études scientifiques sont devenues une priorité.

Quatre modules scientifiques, américain, européen, japonais et russe, y sont entièrement dédiés : Destiny (mis en service en 2001), Colombus (2008), Kibo (idem) et Nauka (2021).

L’ISS constitue donc un laboratoire très particulier qui permet de faire des découvertes en découplant les problèmes : ne plus être sous à la pesanteur terrestre permet d’avoir accès à des phénomènes difficilement observables sur Terre.

Les activités de recherche concernent la santé, l’observation de la Terre (avec en particulier les catastrophes naturelles), les technologies innovantes, l’éducation et le développement économique.

Récemment, des expériences pilotées depuis le sol ont permis d’augmenter le nombre d’expériences réalisées simultanément.

Entre 1998 et 2018, on recense 2 500 expériences menés en microgravité à bord de la station, et 2 100 publications scientifiques, rédigées avec la contribution de 3 600 chercheurs issus de 106 pays.

L’expérience FLEX

On peut ainsi citer l’expérience Flame Extinguishment Experiment (FLEX) de la NASA. Les flammes sur Terre sont pointues. A bord de l’ISS, privées de convection naturelle, elles sont arrondies et se comportent différemment. Cela a permis de découvrir des phénomènes de combustion à plus faible température que les températures de combustion connues : des « flammes froides » (à 200° C tout de même…). Ce qui pourrait, à terme, conduire à développer des moteurs plus efficaces, à moindre émission (23 % des émissions de dioxyde de carbone sont liées aux transports, sans compter les émissions de monoxyde d’azote et de suies). Mais, pour passer d’une découverte d’intérêt à une réalisation, il peut s’écouler plusieurs décennies…

La croissance de cristaux de protéines

Un autre domaine prometteur est la croissance de cristaux de protéines. Les cristaux obtenus en apesanteur sont plus grands et de meilleure qualité que ceux obtenus sur Terre. De retour sur Terre, leur structure est étudiée. Ces expérimentations devraient réduire le nombre d’étapes nécessaires, et permettre d’avoir un modèle plus précis pour la conception de nouveaux médicaments par les entreprises pharmaceutiques. Comme exemple d’application, on peut citer des traitements contre la myopathie de Duchenne. L’Agence spatiale japonaise a synthétisé une protéine d’intérêt et identifiée des inhibiteurs plus efficaces que ceux connus à l’époque de l’expérience. En 2017, un test de phase II a été réalisé sur 33 patients.

Les micro et nanofluides constituent également un sujet de recherche, avec des applications en particulier dans des dispositifs de diffusion de traitements médicaux dans le corps humain par utilisation de propriétés de capillarité. Les expériences sur les fluides ont conduit à des douzaines de publications scientifiques et plusieurs brevets.

Au service de la santé

Dans le domaine de la santé, les astronautes et les cosmonautes servent souvent de cobayes pour des expériences de physiologie, afin de détecter, de comprendre et de prévenir les effets de l’apesanteur et de l’environnement spatial sur le corps humain, particulièrement à l’occasion de vol de longue durée.

On peut ainsi citer le savoir-faire français en matière d’échographes spatiaux, qui permettent de mesurer les effets de l’apesanteur sur les vaisseaux sanguin et le cœur, et la réaction des artères aux changements de pression.

Par ailleurs, les technologies développées pour le bras robotique canadien Canadarm2 ont été reprises sur Terre pour le robot « guérisseur » neuroArm, mis au point par l’université de Calgary pour la neurochirurgie.

L’observation de la Terre

La coupole d’observation de l’ISS, la Cupola (fournie par l’Italie) permet aux astronautes de prendre des images et de télécommander visuellement les robots Canadarm2 et Dextre.

Depuis 20 ans, ce sont des millions d’images de la Terre qui ont été prises depuis ce poste d’observation situé à 400 km d’altitude, vigie idéale pour étudier une multitude de sujets, avec des points de vue et des éclairages différents des satellites d’observation ou météorologiques : les océans, l’atmosphère, les volcans, les zones arides, inondées ou polluées, les incendies, les cultures, les orages, les villes, les aurores boréales…

Les prises de vue de l’ISS ont parfois été utilisées pour aider au suivi de catastrophes, comme lors des inondations de juillet 2020 en Colombie, afin d’évaluer leurs conséquences.

Un intérêt croissant du secteur privé

Le secteur privé porte par ailleurs un intérêt croissant à l’ISS.

Les deux entreprises les plus emblématiques sont SpaceX et Axiom Space.

La première a su se positionner sur l’activité de liaison entre la Terre et la station, avec son lanceur Falcon 9 et la capsule Crew Dragon.

La seconde propose depuis avril dernier des missions habitées privées vers l’ISS, et compte à terme disposer de quatre modules pressurisés sur orbite.

Jean-Pierre Nouaille