Nauka est enfin arrivé

Crédit : Shane Kimbrough / NASA

Le module-laboratoire russe MLM-U Nauka, initialement prévu pour rejoindre la Station spatiale internationale en… 2007, est enfin arrivé à bon port, non sans quelques frayeurs. Tout d’abord, son lancement le 21 juillet depuis Baïkonour, au Kazakhstan, avait été suivi de plusieurs problèmes délicats, heureusement résolus par les équipes de contrôle au sol. La date d’amarrage à l’ISS avait pu être maintenue, mais des inquiétudes demeuraient sur l’intégrité du module, notamment d’éventuelles fuites d’ergols. Comme pour chaque opération de ce type, les membres de l’Expedition 65 ont fermé les volets des hublots de la station pour éviter les projections de gaz chauds, et se sont tenus prêts à rejoindre leurs vaisseaux respectifs en cas de problème.

Une poussée inopinée
MLM-U Nauka s’est amarré le 29 juillet à 13 h 29 UTC au port nadir du module de service Zvezda, en mode automatique, en lieu et place du module d’amarrage Pirs qui a été désorbité le 26 juillet. Le cosmonaute russe Oleg Novitski se trouvait alors installé à une console de commande pour reprendre la main si nécessaire. Quelques minutes plus tard, l’ordinateur de bord du nouveau module a enclenché inopinément une petite poussée supplémentaire, aussitôt compensée par l’allumage des moteurs de Zvezda et du Progress MS-17 amarré depuis le 1er juillet au module Poisk. Mais, bien que le contrôle ait été repris et que la station soit de nouveau dans une configuration « stable », son attitude a été modifiée de 45° – sachant qu’elle avait été préalablement et volontairement basculée de 90° pour l’amarrage. L’équipage n’a jamais couru le moindre danger, et l’écoutille a finalement été ouverte le 30 juillet à 17 h 45 UTC, permettant à Oleg Novitski et Piotr Doubrov d’aller effectuer un examen de contrôle du module, installer des instruments d’analyse d’échantillons d’air et de filtrage pour nettoyer l’atmosphère.
MLM-U Nauka, jusqu’au bout, aura donc donné des sueurs froides aux partenaires russes de l’ISS, après des années de galère (retards, avaries et… contaminations). En conséquence de son amarrage mouvementé, le lancement du vaisseau CST-100 Starliner de Boeing, que nous vous présenterons prochainement, a été repoussé du 30 juillet au 3 août.

Des équipements scientifiques et davantage de confort

Crédit : NASA TV

MLM est l’abréviation de Module laboratoire polyvalent en russe, U (Ussoverchenstvovanyi) indique qu’il s’agit d’une version améliorée, et Nauka (prononcer « na-hou-ka ») signifie la science. Car c’est bien à la science que ce nouvel élément construit par GKNPTs Khrounitchev est dédié, et le potentiel de recherche du segment russe va s’en trouver considérablement augmenté.
Mais le module est également équipé d’un certain nombre de commodités supplémentaires pour les équipages : des toilettes, une « chambre à coucher » individuelle, une « salle de bain », un système de régénération d’oxygène, et des équipements de recyclage d’urine et de production d’eau.
Nauka pèse 20,3 tonnes et mesure 13 mètres de long pour un diamètre de 4,25 mètres. Il offrira un volume supplémentaire de 70 m3.

Un bras robotique européen
Le module laboratoire russe est par ailleurs doté d’un nouveau bras robotique fourni par l’Agence spatiale européenne, appelé ERA (European Robotic Arm). Un consortium de 22 entreprises européennes issus de sept pays a été impliqué dans sa fabrication.
D’une longueur de 11 m une fois déplié, ERA sera utilisé à l’extérieur du côté russe de la station, complétant le Canadarm 2 déjà existant du côté américain. Il pourra manipuler jusqu’à 8 tonnes d’équipements et d’expériences, avec une précision de 5 mm, mais aussi faciliter le déplacement des cosmonautes lors de leurs sorties extravéhiculaires. Son pilotage pourra être assuré à la fois depuis l’intérieur et l’extérieur de la station spatiale, une capacité qu’aucun autre bras robotique n’a offerte auparavant.
C’est l’astronaute Thomas Pesquet va le premier s’occuper de la mise en service d’ERA. Cinq sorties en scaphandre seront nécessaires pour que le bras puisse effectuer ses premières opérations : installer un grand radiateur et configurer le sas de sortie du module Nauka. Certaines de ces EVAs seront menées par les astronautes européens Matthias Maurer et Samantha Cristoforetti, attendus dans l’ISS respectivement en novembre 2021 et au printemps 2022.
Pour tout savoir sur le module MLM-U Nauka, son histoire et ses caractéristiques techniques, visitez l’incontournable site Kosmonavtika sur la cosmonautique russe de Nicolas Pillet.

Pierre-François Mouriaux