L’échographe spatial, un savoir-faire français

Surveiller la santé et les modifications physiologiques des astronautes lorsqu’ils sont en mission dans l’espace n’est pas une chose aisée. Des examens médicaux poussés sont réalisés avant et après leur vol. Mais, avec une durée moyenne des séjours sur orbite basse de six mois (et probablement plus pour l’exploration de la planète Mars) et l’absence de professionnel de santé systématique dans les équipages, la question de la réalisation d’examens médicaux et notamment d’imagerie se pose.

Les techniques actuelles encombrantes et parfois dangereuses

Parmi les examens d’imagerie d’usage courant sur Terre existe l’IRM (imagerie par résonance magnétique), les scanners, la radiologie classique et l’échographie.

La technologie de l’IRM est basée sur l’acquisition d’image grâce à des champs magnétiques. Si cette technique n’est pas irradiante, elle nécessite une infrastructure extrêmement lourde et impose d’éliminer tout ce qui est métallique dans son environnement : en effet, lorsque la machine est activée, elle se comporte comme un gigantesque aimant. Dans ce contexte, difficile d’imaginer son utilisation dans un vaisseau spatial.

Le scanner a fait l’objet de plusieurs tentatives de miniaturisation mais reste encore actuellement trop lourd pour être embarqué dans l’espace. Par ailleurs, tout comme la radiologie classique, l’imagerie est obtenue grâce à des rayonnements ionisants, ce qui pose un problème d’exposition à ceux-ci pour l’équipage qui ne pourrait s’éloigner lors de l’acquisition d’images.

La seule technique utilisée actuellement dans l’espace de manière courante reste donc l’échographie. Celle-ci présente l’avantage d’être non irradiante : sa technique est basée sur les ultra-sons. Les échographes ont connu une vraie évolution technologique et ne sont actuellement pas beaucoup plus volumineuse qu’un ordinateur portable.

Une technologie simple mais incomplète

Les échographes envoyés actuellement ont été extrêmement simplifiés dans leur utilisation et le clavier est désormais organisé avec quelques touches réparties dans des zones colorées afin de faciliter la tâche des astronautes. Cependant, cette technologie est opérateur-dépendant : l’obtention des images est conditionnée par le positionnement de la sonde, l’angle donné et la pression transmise en maintenant la sonde.

Crédit : NASA

Il faut savoir que l’échographie est particulièrement adaptée pour l’étude des organes mous (foie, rate, œil, cœur…) et les vaisseaux sanguins, mais ne permet pas l’étude des os (dont la composition riche en calcium bloque les ultra-sons), ni le diagnostic de fracture ou les études du cerveau (enfermé dans la boite crânienne).

L’échographie, une première française dans l’espace

Crédit : CNES / ROSCOSMOS

L’intérêt de l’échographie dans l’espace n’est pas nouveau : c’est Jean-Loup Chrétien, en 1982, lors du vol franco-soviétique PVH, qui embarqua le premier un échographe autour de la Terre, à bord de la station soviétique Saliout 7. La qualité du matériel français fut reconnue de manière internationale, puisque le cardiologue-cosmonaute Oleg Atkov poursuivît les études dans l’espace grâce à cet échographe bien après la fin de mission de notre astronaute. Puis, trois ans plus tard, un autre échographe français vola également à la demande de la Nasa à bord de la navette Discovery lors du vol STS-51G de Patrick Baudry.

Crédit : CNES / ROSCOSMOS

Depuis bientôt quatre décennies, la France est ainsi devenue experte dans cette technologie, qui a volé dans quasiment tous les vaisseaux spatiaux : navettes, stations spatiales Saliout 7, Mir et ISS. Elle fera sans doute partie des prochains voyages vers la Lune et vers Mars.

Crédit : ESA/NASA

Crédit : NASA

Mais l’imagerie par échographie reste un examen dit opérateur-dépendant, qui nécessite la présence d’un praticien expérimenté pour créer des images avec sa sonde à ultrasons, et ensuite les interpréter. Pour pallier à cette difficulté, le Cadmos (Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales, l’unité du Cnes qui prépare, organise et assure le suivi des expériences scientifiques menées en micropesanteur), en partenariat avec le Professeur Philippe Arbeille de l’Université de Tours, a développé des sondes motorisées commandées à distance depuis la Terre pour la mission Proxima, en 2016-2017. Cette expérience nommée Echo était programmée pour durer cinq ans et, à la fin de la première mission de Thomas Pesquet, l’Agence spatiale canadienne a pris le relais pour exploiter ses résultats. Lors de la mission Alpha, Thomas Pesquet poursuit l’expérience.

Docteur Guélove Nolevaux