
C’est deux mois après la fin de la mission Alpha à bord de la Station spatiale internationale et son retour sur Terre, le 9 novembre 2021, que Thomas Pesquet est revenu en France pour la première fois, invité le 19 janvier 2022 à Paris par l’AJPAE (Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace).
Durant une heure environ, l’astronaute a pu échanger sur son second séjour autour de la Terre avec une vingtaine de représentants de la presse spécialisée, écrite, radio et télévisée. Notre secrétaire Stéphane Sebile, malgré l’heure matinale et les difficultés de transport en fauteuil roulant depuis la province, était présent – « Pas facile, avoue Stéphane, très compliqué par moments, mais ça l’a fait quand même » !
Notre courageux envoyé spécial a retranscrit intégralement la séance, que nous vous présenterons en plusieurs épisodes chaque fin de semaine. Aujourd’hui : la préparation de la mission Alpha.

[Note de Stéphane Sebile]
Cette rencontre privilégiée s’est déroulée avec une vingtaine de personnes, en respectant les conditions sanitaires en vigueur. Nous étions tous masqués et Thomas aussi (pas évident de parler longuement et distinctement avec un masque).
Il y a eu deux parties à cette rencontre : la première entièrement faite par Thomas, qui nous a raconté chronologiquement sa mission Alpha (23 avril au 9 novembre 2021), avec un support visuel photos, et une seconde partie en mode questions/réponses.
J’ai essayé de retranscrire du mieux que j’ai pu ce moment absolument passionnant et qui je l’espère vous plaira aussi. J’ai volontairement essayé de laisser le rythme et le phrasé de cette discussion pour rester le plus vivant possible.

Entraînement en temps de Covid
Thomas Pesquet : « C’est la première fois que je reviens à Paris après mon retour sur Terre en fait, le 9 novembre : cela fait déjà trois mois, et j’ai l’impression que c’était hier, il s’est passé plein de choses. Mais, comme je disais, c’est mon premier passage ici, c’est bien qu’on puisse se parler rapidement. On va revenir sur la mission.
On n’a pas, malgré que c’était il y a quelques semaines, eu de vrai débriefing de la mission avec des statistiques, des choses comme ça, ce n’est pas encore prêt.
On va juste parler chronologiquement de ce qu’il s’est passé, peut-être des différences avec la première mission.
L’entraînement a commencé pour moi en avril-mai 2020. Départ à la NASA. La grosse différence a été l’épidémie de Covid qu’on a dû gérer un peu comme tout le monde.
Alors comment ça se passe un entrainement spatial en temps de Covid ? On s’est adaptés. Ce qui est assez incroyable, c’est qu’on n’a pas pris de retard du tout, aucune mission d’ailleurs. On a réussi à s’adapter à ça.
Évidemment, gestes barrières, masque, on a restreint tous les entraînements. C’était moins fun qu’avant car on était assez souvent, quasi en permanence dans une espèce de bulle.
Il y a des entrainements qui étaient difficiles à masquer, comme par exemple les entrainements piscine en scaphandre, pour les gens qui vous mettent dans le scaphandre, qui sont censés être en contact avec vous de manière assez proche. Alors on a été innovants, on a trouvé des manières différentes de faire les choses. Mais au final, tout s’est bien passé, pas de cas Covid chez les astronautes, alors qu’à l’époque, les chiffres, notamment au Texas, étaient assez inquiétants ».

Du Soyouz au Crew Dragon
Thomas Pesquet : « La deuxième grosse différence évidemment, c’est le moyen de transport : c’est le Dragon de SpaceX comparé au Soyouz.
Le reste était plus facile, mais on ne peut pas dire c’était du connu car l’ISS a un peu changé, il y a de nouveaux modules, de nouvelles expériences, de nouveaux équipements, une nouvelle manière de faire les choses. Évidemment, il a fallu se remettre ça un peu en mémoire, mais au final, on était en terrain connu, mais par contre, Dragon de SpaceX était tout nouveau même si c’était un entrainement assez similaire à ce que j’ai connu dans ma vie de pilote, ou dans ma vie d’astronaute.
Une partie académique, théorique (comment ça marche) et ensuite une partie de plus en plus pratique : le simulateur, le scaphandre, jusqu’à à être capable de faire face en équipage à toutes les situations qui peuvent arriver, comme une dépressurisation, feu à l’intérieur de la cabine ou produit toxique qui se répandrait, ou les retours d’urgence sur Terre, comme éjection pendant le lancement ou retour anticipé de la mission…
On a tout ce qu’il faut pour se poser sur l’eau : canot de sauvetage, rations de survie, etc. On s’est entraînés en piscine, ça nous a pris un petit peu de temps, mais au final, un entrainement plus rapide, plus court que la première fois.
Cela est dû essentiellement au fait qu’on ne repart pas de zéro. On a des acquis, et on part de là ».
La semaine prochaine (épisode 2) : mes coéquipiers
Retranscription de Stéphane Sebile