Petites et grandes manœuvres

16 levers de Soleil par jour

L’actualité le rappelle parfois : la Station spatiale internationale n’est pas un simple assemblage de modules qui serait laissé tranquillement à la dérive sur son orbite. Il s’agit aussi d’un véhicule orbital, dont l’orbite doit être contrôlée et qui doit même parfois manœuvrer.

Son orbite actuelle se situe à une altitude d’environ 420 km, ce qui lui fait faire environ 16 révolutions par jour autour de la Terre. Mais elle a déjà connu des périodes où elle était plus basse, en particulier lorsqu’elle était desservie par la navette spatiale américaine (jusqu’à 350 km environ), entre décembre 1998 et juillet 2011.

L’orbite de l’ISS est inclinée à 51,6° par rapport au plan équatorial, ce qui lui permet de survoler la Terre à des latitudes comprises entre plus et moins cette valeur. Cette inclinaison porte la trace de l’internationalisation de ce qui était initialement, du côté américain, le projet de station spatiale « Freedom ». Celle-ci aurait dû être placée sur une orbite inclinée à 28°, mais l’orbite a été adaptée pour tenir compte des lancements depuis Baïkonour, au Kazakhstan (et plus seulement depuis la Floride, sur la côte est américaine), d’où a été lancé notamment le tout premier module, nommé Zarya (Aube, en russe), en novembre 1998.

Manœuvres orbitales

L’orbite de l’ISS nécessite périodiquement d’être corrigée – plus exactement, rehaussée –, principalement en raison de force de traînée exercée par l’atmosphère résiduelle à cette altitude, dont la principale contribution est celle qui est due aux panneaux solaires.

L’ISS perd ainsi entre 25 et 50 m d’altitude chaque jour, un chiffre qui varie notamment en fonction de l’activité solaire, entraînant une dilatation plus ou moins grande de l’atmosphère. Ce mouvement d’usure de l’orbite ne peut que s’accélérer si on le laisse agir, car l’altitude devient plus dense à mesure que l’altitude diminue. Ainsi, l’ISS doit effectuer des manœuvres de rehaussement d’orbite tous les un à deux mois environ, en utilisant soit les moteurs du module de service du segment russe (Zvezda), soit les moteurs d’un véhicule de ravitaillement automatique amarré à la station, suivant l’axe principale de celle-ci (cargos russes Progress, anciens cargos européens ATV et désormais cargos américains Cygnus).

L’ISS dispose également d’un mode de réglage fin de l’altitude au moyen de l’orientation des panneaux solaires, ce qui permet de jouer – dans une certaine mesure – sur la force de traînée atmosphérique.

Des manœuvres de correction d’orbite sont également réalisées à l’occasion des rendez-vous avec les divers véhicules qui ravitaillent l’ISS et effectuent la rotation des équipages.

Enfin, une manœuvre orbitale est parfois nécessaire en cas de risque de collision jugé suffisamment important avec un débris spatial (ou, plus généralement, tout autre objet orbital « non coopératif » n’ayant pas, de son côté, la capacité de modifier sa trajectoire, et se déplaçant, comme l’ISS, à la vitesse d’environ 8 km par seconde).

Ces manœuvres inopinées ont malheureusement tendance à se multiplier ces dernières années, du fait de l’accroissement notable de débris spatiaux sur l’orbite terrestre basse. Entre 1999 et 2021, 30 manœuvres d’évitement ont dû être programmées, dont deux rien qu’au mois de décembre dernier.

Une attitude à surveiller

La bonne marche de la mission de l’ISS ne nécessite pas seulement de contrôler son orbite (c’est-à-dire sa trajectoire), il faut également contrôler en continu son attitude, c’est-à-dire son orientation.

 Illustration des mouvements d’attitude de l’ISS en roulis (roll), tangage (pitch) et lacet (yaw)
Crédit : NASA

En temps normal, l’axe principal de la station est orienté dans le sens du mouvement, le segment russe étant à l’arrière, tandis que l’axe principal des panneaux solaires est orienté suivant l’horizontale locale, perpendiculairement au mouvement, ce qui permet à la Cupola (la coupole d’orientation panoramique de l’ISS) d’être orientée vers la Terre.

Toutefois, l’attitude de la station peut-être temporairement modifiée lors des opérations de rendez-vous (amarrage et/ou désamarrage de véhicules ou de modules). Le contrôle d’attitude utilise à la fois des actionneurs gyroscopiques (Control Momentum Gyroscope, ou CMG) et des propulseurs-fusée. Ces fonctions de contrôle d’orbite et d’attitude sont assurées par le système de contrôle du mouvement MCS (Motion Control System), dont la responsabilité est partagée entre le segment américain et le segment russe de la station.

Nicolas Bérend