
La mission de Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale, qui s’est achevée le 9 novembre dernier, comportait plusieurs expériences conçues pour ou par des jeunes – voir l’article consacré au projet « Elève ton blob ».
L’une d’entre elles, plutôt sensorielle que scientifique, visait à observer des fleurs grandir. Baptisée Eklosion par ses concepteurs, elle a été mise en œuvre mi-août par l’astronaute français à bord du module-laboratoire européen Columbus, en liaison avec le Cadmos (Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales), au Cnes à Toulouse.
[Article paru dans Air & Cosmos n°2756 du 5 novembre 2021]
C’est bon pour le moral
L’expérience Eklosion a été retenue suite à l’appel à projets « Génération ISS », lancé en février 2019 par le Cnes et le Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, pour proposer des expériences didactiques durant la mission Alpha. Elle a été imaginée par des étudiants de l’Université Toulouse III Paul Sabatier et de l’École de design Nantes-Atlantique, regroupés au sein de l’association Eklo, et réalisée avec le soutien du GSBMS (Groupement scientifique en biologie et médecine) de Toulouse.
Alors que le moral des astronautes risque de souffrir des durées et des distances de plus en plus longues des futurs voyages spatiaux, l’objectif de l’expérience est de proposer à l’astronaute un compagnon de voyage qui symbolise son lien avec la Terre, dont il doit prendre soin et qui lui apporte du bien-être, au travers d’une plante – des œillets d’Inde – à faire pousser dans une capsule, et de messages personnels délivrés sur des cartes odorantes.
La capsule étanche spécialement conçue pour l’expérience mesure une quarantaine de centimètres de haut et 18 cm de diamètre. Le « terreau », dans lequel cinq graines doivent prendre racine, est composé d’un disque de fibre de coco, de vermiculite (minéral naturel), de papier de chromographie trempé dans de l’engrais et de granulés chargés d’absorber l’eau par capillarité.

Crédit : T. DE PRADA / CNES
L’éclairage artificiel est assuré au sommet par des leds, tandis que la circulation d’air qui permet à la plante de respirer est assurée par des membranes le long de la capsule. Par ailleurs, la capsule abrite dans un anneau de sa partie basse des petits cartons à odeurs végétales, destinés à stimuler l’odorat à l’aide de senteurs que Thomas Pesquet aime bien (anis, menthe, pin, violette…), afin de lui rappeler la Terre.
Chaque carton est accompagné d’un petit mot surprise préparé par les proches de l’astronaute.
Une expérience prévue sur un mois et demi
L’expérience avait été livrée le 12 août par le Cygnus NG 16, puis déployée une semaine plus tard à bord de, en liaison avec le Cadmos : l’astronaute français a tout simplement hydraté le substrat (avec 1,4 l d’eau injecté dans la partie inférieure de la capsule), censé enclencher le processus de germination.
Les cinq œillets devaient éclore un mois et demi plus tard, la floraison et la croissance étant surveillées et prises en photo toutes les semaines. L’expérience devait durer jusqu’à la fin de la mission Alpha.
Hélas, si l’astronaute a pu profiter des messages odorants qui avaient été préparés à son intention, les graines, elles, n’ont jamais éclos, malgré le bon fonctionnement de la capsule (électronique, optique…) : alors que l’expérience a dû être changée de place au sein du laboratoire Columbus, de l’eau a migré dans la partie supérieure de la capsule avant d’être absorbée par le substrat, de la buée s’est formée sur les parois (empêchant toute prise de vue), et les graines ont été déplacées…
L’ensemble du projet a coûté 40 000 €, à moitié financés par le Cnes et le reste par les laboratoires et les entrepreneurs qui ont été associés à la création de l’association Eklo.
Sa cofondatrice Eve Teyssier, étudiante en biologie végétale, confiait ses espoirs avant la mission : « Avec Eklosion, nous avons voulu amener de la beauté dans l’ISS et rapprocher Thomas Pesquet de la Terre grâce au végétal. Au-delà de la question de l’odorat qui est modifié dans l’espace, nous espérons que ce temps passé à s’occuper de la fleur ou simplement à la regarder lui procurera du plaisir, qu’il nous dira peut-être que ça a permis le rendre un peu heureux chaque jour et que ça l’a stimulé ».
Pierre-François Mouriaux