Attention débris !

Crédit : NASA / ASC

La séquence d’ouverture du film « Gravity » a illustré de façon très spectaculaire – et bien sûr très exagérée – le risque que représentent les débris spatiaux en orbite. Pour autant, les débris spatiaux sont une menace bien réelle dont il faut d’ores et déjà tenir compte, même si le risque est encore faible.

En effet, l’orbite terrestre est de plus en plus encombrée, avec la présence de satellites actifs (de l’ordre de 3 000) mais aussi de débris spatiaux toujours plus nombreux. Ces débris peuvent être générés par les opérations spatiales « normales » (tel l’abandon en orbite d’un étage supérieur de lanceur ou d’un satellite arrivé en fin de mission, lorsque sa désorbitation n’est pas prévue) mais aussi d’incidents générant une fragmentation. Il peut s’agir par exemple de l’explosion d’ergols résiduels contenus dans les réservoirs ou bien d’une collision avec un débris, avec potentiellement comme conséquence la génération de centaines ou milliers de nouveaux débris.

Au total, ce sont environ 34 000 objets de plus de 10 cm, qui gravitent autour de la Terre mais aussi 900 000 objets entre 1 cm et 10 cm et… 128 millions entre 1 mm et 1 cm !

Des matériaux adaptés aux petits impacts

Avec une vitesse d’impact moyenne de l’ordre de 22 000 km/h en orbite basse (10 fois plus vite qu’une balle de fusil !), les débris spatiaux, même très petits, sont une bien menace réelle pour les systèmes orbitaux, donc en particulier pour la Station spatiale internationale et les véhicules qui la desservent. Cette menace s’ajoute à celle, analogue, mais désormais moindre comparativement, des micrométéorites.

S’il touche un système critique et mal protégé du véhicule spatial (réservoir, hublot…), l’impact avec un débris ou une micrométéorite de quelques millimètres peut-être suffisant pour mettre fin à la mission, et éventuellement avoir des conséquences catastrophiques. Heureusement, il est possible de se protéger contre des débris de petite taille à l’aide de blindage et d’une conception adaptée. Ainsi, les principaux modules et systèmes critiques de l’ISS sont conçus pour résister à des impacts d’objets allant jusqu’à 1 cm, à l’aide de différentes couches de matériaux (notamment aluminium, kevlar et nextel).

Les scaphandres de sortie extravéhiculaire sont également conçus pour résister dans une certaine mesure contre des petits impacts. Le risque encouru individuellement lors d’une EVA est toutefois extrêmement faible compte tenu de la courte durée et de la faible surface exposée.

Dans cette même logique, les hublots de la Cupola sont équipés de volets de protection, qui sont habituellement fermés lorsque celle-ci n’est pas utilisée. Avec une surface totale exposée à l’environnement spatial de plus de 11 000 m2, il serait néanmoins illusoire de vouloir protéger l’intégralité de l’ISS, et cela ne se justifierait d’ailleurs pas.

Cette menace s’est rappelée récemment au bon souvenir de l’équipage de l’ISS avec la découverte, en juin dernier, d’un petit impact sur le bras robotique Canadarm2. Cet impact n’a heureusement pas eu de conséquence sur son bon fonctionnement.

Des manœuvres d’évitement

Les débris spatiaux de plus grande dimension sont évidemment plus dangereux en cas d’impact. Au-delà d’un centimètre environ, les dispositifs passifs de protection atteignent leurs limites et les conséquences d’un impact peuvent être catastrophiques. En revanche, les débris de cette taille sont beaucoup moins nombreux et la majeure partie des objets de 10 cm ou plus sont même suivis individuellement (environ 29 000 objets catalogués), ce qui permet d’anticiper les croisements potentiellement dangereux. Lorsqu’un risque suffisamment important est identifié (au moyen d’une analyse probabiliste et géométrique du croisement), une manœuvre d’évitement est réalisée. L’ISS a ainsi effectué trois manœuvres d’évitement l’an dernier, la dernière ayant eu lieu le 22 septembre 2020.

Pour illustrer concrètement le niveau du risque, on note que la Nasa a fixé les spécifications suivantes pour les futures missions de desserte de l’ISS avec la capsule Orion : le risque induit spécifiquement par les micro-météorites et débris pour une mission de 212 jours doit être au maximum de 1/160 pour la perte de mission et de 1/1 200 pour la perte de l’équipage.

On voit que le risque pour l’ISS est bien réel même s’il peut encore être maintenu à un niveau faible à l’aide des technologies et procédures décrites plus haut. Cependant, l’augmentation inexorable du nombre de débris spatiaux est un sujet de préoccupation croissant, et ceci non seulement pour l’exploitation de l’ISS mais aussi pour l’ensemble des systèmes spatiaux dont l’activité humaine est de plus en plus dépendante.

Nicolas Bérend